ISBLED Fernand
Sergent (1886-1916)
Fernand-Louis-Pierre ISBLED est né le 19 mai 1886 à Onnaing, département du Nord. Ancien élève de l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille (ICAM), il y avait obtenu un diplôme d'Ingénieur et était attaché à la maison Vrau. Il est appelé au service militaire en 1906 sous le matricule 0258, et sert au 16e Bataillon de Chasseurs à pied. Marié deux avant la guerre, il habitait La Madeleine-lez-Lille.
Mobilisé le 2 août 1914, il rejoint le 56e Bataillon de Chasseurs à pied. Il prend part à toutes les opérations de Lorraine et d'Argonne. C'est alors que le lt-colonel Driant, qui l'avait distingué, en fait son secrétaire. Durant l'attaque allemande des 21-22 février 1916 sur le Bois des Caures, il est chargé de transmettre les ordres du lt-colonel Driant et jouera un rôle décisif. Rescapé des combats, il se verra décerner la Médaille militaire et la Croix de Guerre avec palme le 18 mars 1916 pour le rôle qu'il a joué : "excellent gradé, le 21 février 1916, a montré le plus bel esprit de sacrifice et de dévouement en assurant sous un très violent bombardement des tirs de barrage, la transmission d'ordres importants entre plusieurs postes de 2e ligne" (citation à l'ordre de l'Armée). Avec humilité, il écrira à un de ses amis : "Ce que j'ai fait au Bois des Caures? Bien peu de chose. J'ai traversé le bois une première fois sous le bombardement des 380 qui arrivaient par salves de 12. Ensuite j'ai porté un ordre important, toujours sous cette pluie de ferraille. Je ne me suis couché que par déplacement d'air. (...) Il n'y a pas à se cacher ni à courir dans les moments critiques, je me recommande à la Sainte Vierge et j'obéis aux ordres reçus, tout simplement." Son ami, frère d'armes et aumônier au 56e, l'Abbé Charles Dutoo, raconte ainsi le rôle que le sergent Isbled a vraiment joué : "Le lundi 21 février 1916, à sept heures du matin, tandis que des deux bataillons du groupe de Chasseurs, le 59e était en ligne au Bois des Caures, et le 56e en réserve à Mormont, les Allemands déclenchèrent sur tout le secteur un tir formidable d'artillerie. C'était littéralement, pour qui l'a vu de ses yeux, "une masse d'obus qui progressait en écrasant, et derrière cette meule, leurs fantassins qui s'avançaient." Après une demi-journée de ce pilonage épouvantable, le 59e bataillon qui avait tenu l'ennemi en échec n'était plus une unité de combat, c'était une poussière de combattants. Le Colonel Driant juge la situation critique, il sent qu'il n'a plus assez d'hommes dans la main devant l'inconnu qui s'avance, il voudrait avoir auprès de lui le 56e bataillon, mais à ce moment l'ouragan de mitraille est infernal sur le bois et les positions voisines. Toutes les communications sont coupées, les chasseurs isolés par des barrages fantastiques. Les obus de gros calibre ravagent tout, déracinent les chênes, écrasent les abris. La liaison est si difficile que d'un poste de première ligne, 15 chasseurs envoyés au Colonel sont l'un après l'autre tous tués en route. Très simplement, Driant se tourne vers son secrétaire, Fernand Isbled, malgré tout l'envoie à Mormont chercher le 56e, et deux heures après ce bataillon était en position de combat pour les contre-attaques de la nuit et celles du lendemain. Cette mission héroïque parfaitement remplie permettait de prolonger la défense du bois de 24 heures; et gagner une journée, dans ces conditions-là, c'était gagner une bataille."
Fernand Isbled sera nommé sergent le 11 mars 1915 pour acte de bravoure. Il sera déployé ensuite sur le front de la Somme le 1er juillet 1916. L'assaut des troupes du Commonwealth est lancé à 6h00 du matin accompagné par plusieurs régiments français dont le 56e BCP. Le 10 juillet 1916, il se trouve sur le front entre Biaches et Herbecourt dans la Somme, il sera gravement blessé, évacué à l'Ambulance de Marcelcave. Il décèdera des suites de ses blessures le 12 juillet 1916, à l'âge de 30 ans.
Son corps, ramené du Front, est inhumé le 09 mars 1922 au cimetière de Templemars*. A cette occasion, son ami, le Sergent DUTOO, aumônier militaire du 56e BCP prononcera cet hommage :
"Adieu mon cher Fernand, tu étais une nature d'élite, un esprit charmant ouvert à toutes les idées élevées, un coeur sensible vibrant aux nobles causes, une volonté résolue à tous les devoirs; tu ne pouvais qu'être estimé et aimé de ceux qui te connaissaient. Ta vie fut si belle et trop courte, hélas! Ta mort fut la plus noble, la mort au champ d'honneur. L'une et l'autre, nous n'en doutons pas grâce à tes mérites et grâce à nos prières ont reçu leur récompense. Au nom de notre bon vieux colonel, au nom de tous les camarades du 56e Bataillon du profond de mon coeur! tu restes pour chacun d'entre nous un exemple et un modèle."
* Sa sépulture à Templemars a été restaurée en 2022 à l'initiative de l'Association Les Bleuets de la Mémoire