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"Ma fiche" (Cdt Driant - L'Eclair, 16/04/1906)

Dernière mise à jour : 29 nov. 2020

Connaissez-vous un plaisir plus intense que celui-ci ? « Faire publiquement justice d’une calomnie et voir les adversaires les plus acharnés obligés de reconnaître par leur silence la justesse de la réfutation. »

J’ai pu m’offrir ce plaisir avant-hier soir à Enghien, dans une réunion composée en grande partie de partisans de M.Aimond, et la chose vaut la peine d’être contée.

Depuis quinze jours, j’avais été prévenu qu’un coup des plus rudes me menaçait ; on avait extrait du rapport du Procureur Général de la Haute Cour qui jugea mon beau-père en 1889, des chiffres accablants pour moi. Que pourrais-je y répondre à dix-sept ans de distance?

Et, en effet, le 13 avril dernier, les premiers extraits parurent. Ce fut l'Action qui s’en chargea et 10,000 numéros de ce journal furent répandus gratuitement dans toute la 2e circonscription.

Je fus surpris, je l’avoue, de voir la feuille de M. Bérenger devenir l’organe de mon adversaire; mais que de contrastes dont il ne faut plus s’étonner aujourd’hui !


Voici ce que le Masque Rouge, l’anonyme de l’Action, appelait ma fiche :

Voici une fiche. Elle est d'hier. Elle porte la signature d’un magistrat qui fut considérable, d'un des hommes dont le parti nationaliste se réclame le plus volontiers. Elle ne vaux ni plus ni moins qu’une autre fiche. Elle concerne des officiers de l’armée française. Nul Bidegain ne me la dicta, pour la simple raison quelle fut, en son temps, rendue publique. J'ajoute que les intéressés mêmes ne s’élevèrent jamais contre elle. La voici :

« Courtisan de tous les publicistes, le général Boulanger avait organisé, au ministère de la guerre, un bureau de la presse, confié à un officier supérieur, le commandant Plet, qui recevait et donnait les nouvelles, et qui, d'ordinaire, payait les subventions. Mais cela ne suffisait pas, et l’un de ses officiers d’ordonnance, qui, ensuite, est devenu son gendre, Driant, prenait aussi des fonds ; il émargeait avec cette indication entre parenthèse : « Service de la presse ». Driant, qui n’avait rien à faire avec la presse, puisque cela regardait le commandant Plet, reçu, sous la rubrique « presse », 16,500francs.

En 1886, le capitaine Driant, en dehors de sa solde, en dehors de ses émoluments d’attaché au cabinet, a perçu, sans explication possible, 21,000 francs, et en 1887, il s’est fait attribuer, conjointement avec un sieur Laage, une somme de 21,700francs, d’une façon qui me semble inexplicable. » Signé : Quesnay de Beaurepaire, Procureur général.

Je ferai remarquer aux officiers susnommés que le signataire de ces imputations, qui est aujourd'hui leur meilleur ami politique, n’est pas plus un franc-maçon qu’il n'est un brocard.

Il va sans dire que je parle en historien, et non en accusateur. A chacun son rôle.


Avant-hier donc, j’avais été convoqué par lettre recommandée à une réunion contradictoire organisée à Deuil par le candidat collectiviste, le citoyen Gérard. C’était une fâcheuse coïncidence, car à la même heure, à Enghien, à vingt minutes de là, M. Aimond tenait lui-même une grande réunion publique. Il ne m’y avait pas convoqué, mais c’était justement à celle-là que je voulais me trouver, certain qu’on ne manquerait pas de m’y servir ma fiche.

Le seul moyen de tout concilier, mon intention d’être correct vis-à-vis du citoyen Gérard et mon désir beaucoup plus vif de me trouver enfin face à face avec M. Aimond, que je n'avais jamais vu, était d’abréger la première réunion et de courir à la seconde, sans perdre une minute.

Ce qui fut fait, et j'arrivai à temps, suivi de deux cents amis trottant au pas gymnastique comme de vrais chasseurs à pied, et ne voulant à aucun prix me laisser entrer seul dans la salle, uniquement occupée par des adversaires.

Ce sont ces amis-là que, de l'autre côté on déclare soldés parce qu’on ne peut s’imaginer dans ce parti, tout en ventres et en appétits, qu’il y ait des dévouements désintéressés. Les radicaux sont tellement habitués à payer les services par un ruban, un emploi ou un lambeau de fonds secrets. qu’ils nous prêtent leurs propres procédés.

Ils ne connaissent guère, je le leur affirme, les braves cœurs que j’ai rencontrés à Deuil, à Ermont, à Soisy, a Saint-Gratien, à Taverny, à Franconville. à Montmorency, à Enghien et que je retrouve un peu partout, uniquement payés d'un merci venu du cœur.

Notre arrivée dans la salle de réunion y déchaîna une forte houle, mais m’arrachant aux griffes de quelques apaches trop zélés, je parvins sans trop de peine à la tribune.

Ce que j’avais prévu arriva : des hurlements surgirent : « La fiche! la fiche! »

Et brutalement, un énergumène me tendit l’Action. Cet homme-là avait la haine dans les yeux; mêmes regards d’ailleurs dans cette foule que je venais déranger et je ne songeais point à m’en étonner, car à celui-ci c’est le ruban rouge, à celui-là un bel emploi que j’enlève, si je suis élu. Struggle for life !.......

Je lus ma fiche en entier, certain d'obtenir ainsi le silence et, en effet, il se fit profond, impressionnant.

— Maintenant, dis-je, vous écouterez de même la justification. Et je lus ce document envoyé de Londres à la Haute-Cour, le 2 août 1889, par le général Boulanger :

Ces insinuations, ces mensonges sont d’autant plus odieux qu’il est impossible que M. Q. de Beaurepaire ne connaisse pas la vérité.

Cette vérité la voici et voici l’emploi de ces fonds. Oui, le capitaine Driant, qui était mon secrétaire particulier et que M. Q. de Beaurepaire voudrait essayer de salir parce qu'il est entré dans ma famille, a touché en 1886 une somme de 21,000 francs et en 1887 une autre somme de 21,700francs.

Il existait, il existe encore au Ministère de la Guerre une distribution de secours aux veuves et enfants de militaires, aux amputés, à ceux qui se sont dévoués à la Patrie et qui ne sont pas encore titulaires d'une pension normale.

Ces secours se distribuaient de deux façons : sur demandes verbales ou sur demandes écrites.

Or, le capitaine Driant était chargé par moi de répondre une fois par semaine à tous ceux qui se présentaient personnellement pour demander un secours.

C’est lui qui donnait l'argent et chaque somme n’était remise que contre reçu. Tous ces reçus se trouvent au ministère de la guerre.

M.Mollard, le chef de mon cabinet civil, a touché de-même 52.000francs. Il était chargé, lui, de répondre aux demandes écrites.

Aucune réflexion ne suivit cette lecture. Elle était péremptoire, en effet.

J’ajoutai que je tenais à la disposition des citoyens de la circonscription, A ma permanence, 4, rue de Dunkerque, un certain nombre de talons de la poste correspondant à des secours ainsi envoyés, que j'avais également des reçus du service de la presse.

J’aurais pu ajouter que j'avais retrouvé ces documents par le plus grand des hasards, en feuilletant. pour la première fois depuis quinze ans, des papiers venant du général Boulanger, que j’avais passé une partie de ma nuit à ce travail et que parmi ces papiers j’en avais relu dont la publication gênerait plus d'un brocard et révélerait plus d’une palinodie.

Mais je répète ici ce que j’ai déjà dit : « Que les intéressés se rassurent, un officier ne joue pas au jeu des petits papiers. *

Il serait donc inutile que le Grand-Orient obtienne une perquisition chez moi ou à ma Ligue, à la suite d’un coup monté par lui contre l'immeuble de la rue Cadet. Je l’en préviens parce que je sais que l’idée en a été suggérée à M. Lépine, trop droit, du reste, pour donner là-dedans.

Nulle part, d’ailleurs, on ne trouverait rien.

La réunion allait prendre fin lorsque l’idée me vint de demander à M. Aimond s’il était étranger à la publication de la fiche de l'Action.

Solennellement, publiquement, il l’affirma.

J'en prends acte ici non moins publiquement.

Mais sachant que l’on se dispose — on ne s’applique donc plus à M. Aimond — à exhumer un autre document do la môme Haute-Cour relatant que le général Boulanger emporta, en quittant le ministère, 30,000 francs de fonds secrets qu’il me confia, je publie tout de suite le document suivant qui coupe court à cette nouvelle calomnie :

Reçu de M. le général Boulanger la somme de 32,000 francs (trente-deux mille francs) pour les diverses missions que j'ai remplies pour le compte du ministère de la guerre, en Allemagne et en Belgique.

Paris, le 31 mai 1887.

A. DE MONDION.

M. Foucault de Mondion fut au moment de l’affaire Schnæbelé un des agents les plus précieux et les plus dévoués du ministère de la guerre. Je tiens le fac-similé de son reçu qui porte précisément la date de la chute du cabinet Goblet à la disposition des électeurs de la circonscription !

Et voilà pour une fois!

Mais qu’il me soit permis de tirer de tout ceci une conclusion de portée plus haute.

Quel autre ministre et surtout quel ministre d’aujourd’hui a jamais gardé un compte régulier ou non de ses fonds secrets?

Aucun, puisque le Règlement de comptabilité publique spécifie : les fonds secrets ne sont susceptibles d’aucune justification !

Il était donc honnête entre tous le Ministre de la Guerre de l’affaire Schnœbelé, qui avait tenu à jour et conservé ce compte dont le quitus du président Grévy ne permettait plus à personne de mettre en doute la régularité.

Et pourtant ce fut ce compte qui servit de base aux accusations calomnieuses de cette Haute Cour, où tout se rencontra, le Faux, la Haine, la Peur, tout, excepté la Justice.

Et pour n’en citer qu’une preuve qui n’a pas encore été donnée, que M. Q. de Beaurepaire sache ceci :

Son réquisitoire prouve par témoins que, le 14 juillet 1887, le général Boulanger était à Paris, dans une maison qu’il nomme, boulevard Haussman.

Or, je jure ici sur l’honneur, moi qu’on ne voulut pas entendre et qu’on avait alors expédié au fond de la Kroumyrie, je jure que je passai toute cette journée du 14 juillet 1887 à Clermont-Ferrand près du lit du général, malade et soigné par le médecin principal du 13e corps, docteur Papillon.

Ce dernier essaya de donner alors son témoignage d’honnête homme : on ne voulut pas l’entendre et pour celte intention il fut marqué au crayon rouge.

La voila, la justice des assemblées politiques !

Tout cela est loin et l’autre justice viendra.

Celle-là balaiera toute cette tourbe. Je l’attends !

Mais j’imagine que dans la retraite qu’il a choisie et que je veux ignorer, l’exécuteur des haines de jadis, M. Quesnay de Beaurepaire, a dû souvent entendre protester la voix de sa conscience.

Il a vu passer depuis dans le kaléidoscope politique les Panamistes, les Dreyfusards, les Humbertistes, il s’est vu frapper lui-même par les ministres, magistrats, prévaricateurs et bandits de haut vol à qui son réquisitoire de 1889 servit de marchepied.

Et plus d’une fois, j’en suis sûr, l'ombre du Général qui tint fièrement le Drapeau à une heure grave de l’histoire du pays, a dû surgir dans ses cauchemars, dominant les pantins sinistres d’aujourd’hui de toute la hauteur de son patriotisme de soldat et de son honnêteté de citoyen!


Commandant Driant.


A un filleul de colonel. — Merci.



La Probité du Général Boulanger (L'Eclair, 17/04/1906)


Le commandant Driant n’a pas eu de peine à faire justice, on l’a vu hier, de la basse accusation de vénalité dirigée contre lui par ses adversaires brocards.

Dans L'Intransigeant d’hier, M. Henri Rochefort rend hommage à fa parfaite probité du commandant et de son beau-père le général Boulanger. Il termine ainsi son article :

J'apprendrai même au commandant Driant ce qu'il ignore peut-être et que Boulanger m'a raconté souvent, à savoir que s'il est tombé du ministère, c’est pour avoir envoyé promener l'escroc Jacques Reinach et son gendre Joseph qui étaient venus lui proposer, pour en abreuver l'armée, des tablettes de café que Boulanger fit analyser et qui furent déclarées mortifères.

Il se pourrait même que ce fut ce poison-là que le Reinach de Nivilliers a absorbé quand il a mis fin à ses jours pour échapper à une arrestation.

Les deux compères ne lui avaient pas pardonné de leur avoir fait manquer ce coup de bourse et (...) ils ont eu tous les moyens d’assouvir leur vengeance. C'est donc à sa probité que Boulanger a dû sa chute. Et c’est précisément d’indélicatesse que les panamistes l’accusent!


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