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  • Photo du rédacteurDRIANT Emile

La Sidi-Brahim au 1er BCP en 1899, au temps du Commandant Driant

Le Lieutenant-colonel Driant a commandé à deux reprises des bataillons de Chasseurs à Pied : le 1er BCP de 1899 à 1905, et le groupement des 56e et 59e BCP de 1914 à 1916. Parmi les traditions des Chasseurs, il en est une qui lui tenait particulièrement à coeur, c'était la mémoire des combats de Sidi-Brahim (en septembre 1845) durant lesquelles les Chasseurs d'Orléans ont résisté de façon héroïque aux assauts des troupes de l'émir Abd-el-Kader.

Le commandant Driant, lorsqu'il était à la tête du 1er BCP, à Troyes, attachait une attention toute particulière à la commémoraison de ces combats dont les festivités dépassaient largement le cadre du quartier Chasseurs pour s'étendre à toute la cité.



Programme de la Sidi-Brahim 1904 au 1er BCP, à Troyes

Il nous a laissé un récit de ces festivités telles qu'elles se sont déroulées le 30 juillet 1899, quelques jours après sa prise de commandement :


" C’est à vous, petits chasseurs du 1er Bataillon que sont destinées ces quelques pages : elles ne seront que le bien faible écho de cette fête brillante du 30 juillet dernier que vous avez célébrée en mémoire des héros de Sidi-Brahim, et qui a été toute à votre honneur, car elle a prouvé et votre piété filiale pour vos anciens tombés en martyrs sur la terre africaine, et votre désir de vous rendre digne d’eux.

Nobles aïeux, reposez-vous

Dormez dans vos couches austères,

La France peut compter sur nous

Les fils seront dignes des pères.


Etre digne des héros de Sidi-Brahim, mais c’est le plus bel éloge qu’on puisse faire de vous, petits chasseurs. Vous le savez bien d’ailleurs, car vous connaissez tous le sublime exploit qui a immortalisé notre arme d’élite. Je ne vous ferai donc pas l’injure de vous le rappeler longuement : qu’il nous suffise de rendre, au début de ces pages, un bref hommage d’admiration à ces vrais fils de France et de saluer en passant leurs nobles figures.

Le 21 septembre 1845, 400 Français, 340 chasseurs et 60 hussards, quittent Nemours, et sous le commandement du brave colonel de Montagnac, se dirigent vers la frontière marocaine, dans une région inconnue, accidentée, couverte de ravins boisés, où se tiennent la plupart des cavaliers de l’Emir. Pourquoi s’aventurer ainsi, en si petit nombre, dans ce pays dangereux, propice à la guerre d’embuscades ? Une tribu alliée les a appelés, se disant menacée par Abd-el-Kader en personne, et ils vont au secours des malheureux Soukhalias traqués par l’ennemi redoutable. La raison est bonne : leur conduite est louable. Galopez hussards de Cognord, courez chasseurs de Froment-Coste : le soldat français a toujours été protecteur des faibles, défenseur des opprimés, égide des persécutés, chevalier en un mot. En agissant autrement vous failliriez à votre mission. Vous n’êtes, il est vrai, qu’une poignée et vous allez avoir devant vous des milliers d’ennemis : qu’importe ! 400 Français valent bien 12.000 Arabes. Vous allez droit au piège que vous a tendu l’Emir, de concert avec les Soukhalias et votre mort est certaine. Tant mieux, votre sang enfantera de nouveaux héros.

Durant 2 jours, ils ont marché, conduits par un faux guide, sans rencontrer l’ennemi. Mais le soir du troisième, il y a de nombreux cadavres à terre : au crépuscule on dirait, étendu sur la terre un grand voile blanc parsemé ça et là de tâches sombres. Ce blanc immense, à perte de vue, ce sont les cavaliers arabes aux longs manteaux qui, quand ils flottent au vent, dans la charge donnent à ces soldats de l’Emir, un aspect fantastique : ces points noirs, ce sont les soldats de la mort, les chasseurs d’Orléans, dont il ne reste plus que l’élite, les carabiniers de Géreaux, qui, sur l’ordre du colonel mourant, se sont enfermés dans le marabout de Sidi-Brahim. – Le choc a été rude ; la rencontre terrible ; tous ont lutté vaillamment, hussards et chasseurs ; tous ont déployé un égal héroïsme. Et citer les noms de de Montagnac, de Froment-Coste, de de Cognard, de Burgard, c’est nommer en même temps les martyrs obscurs dont le cœur battait aussi noble et aussi fier sous leur uniforme vierge de galons.

Le 1er acte du drame est achevé ; Abd-el-Kader, joyeux de sa victoire facile, confiant dans le succès final, galope vers le marabout misérable, tombeau enclos de murs crevassés. – L’assaut ne sera qu’un jeu. Les couleurs de France, flottant au vent au sommet de la faible citadelle, ont beau le narguer : les représailles ne seront que plus sanglantes. Mais l’Emir s’est trompé : par trois fois, ses cavaliers tentent de vaines attaques, et par trois fois leurs nombreux cadavres jonchent les abords de la position. – La force a échoué, promesses ou menaces seront peut-être plus heureuses. Eh quoi : grand Emir ! ne connais-tu pas suffisamment les chasseurs d’Orléans pour t’illusionner à ce point ? Tu offres la vie sauve aux défenseurs du marabout, s’ils consentent à se rendre, mais tu penses bien, toi qui t’y connais en courage, que des hommes de cette trempe font peu de cas de leur existence, quand leur honneur est en jeu. Tu menaces Dutertre du cimeterre, s’il ne rapporte pas la reddition de ses camarades ; mais tu t’attends bien n’est-ce pas, à ce cri héroïque de ce nouveau Régulus : Luttez jusqu’au dernier.

Non tes expédients sont mauvais ; choisis-en un autre, et puisque tu ne recules pas devant la cruauté, arrête la lutte, mets tes soldats à l’abri des balles du marabout, et attends que la faim et la soif fassent leur œuvre, toi qui as en abondance des vivres et de l’eau.

Mais l’Emir s’est encore trompé : les héros déjouent ses lâches calculs ; mourir pour mourir, ils aiment mieux le faire au grand jour, corps à corps, avec l’espoir de trouer encore quelques poitrines ennemies. Et ils se dressent, ces 60 chasseurs, ramassant tout ce qui leur reste de force et d’énergie, ils bondissent hors du marabout, se font jour au milieu des Arabes surpris de tant d’audace et courent vers Nemours. Ils ont trop présumé de leurs forces, la fatigue, les privations, des ennemis surgissant de tous côtés les déciment un à un : 30 à peine arrivent au sommet de la colline au pied de laquelle se voit Nemours. Ils n’ont plus qu’un ravin à traverser pour être hors de danger : mais au fond de ce ravin il y a de l’eau et sur les crêtes des balles. L’eau les attire par l’espoir de la vie ; les balles leur envoient la mort. Et 9 seulement peuvent s’échapper.

Gloire à vous, Chasseurs à pied ! l’histoire a enregistré soigneusement votre exploit fameux sans précédent dans ses annales – et nous, qui l’avons profondément gravé dans notre cœur – nous nous faisons un devoir de la célébrer chaque année. C’est un beau jour que le jour commémoratif du combat de Sidi-Brahim : jour de fête et non jour de deuil, car on ne pleure pas des héros comme vous, on les admire et on les acclame : fête pour nous d’abord, chasseurs à pied, fiers d’avoir de tels ancêtres ; fête pour l’armée, qui applaudit à tous les braves qui versent leur sang pour la France ; fête pour le peuple d’où sont sortis, pour la plupart, ces humbles héros!


Cette année, notre Sidi-Brahim a été bien belle, et à son caractère général s’ajoutait une note particulière ; c’était toujours et surtout le pieux tribut d’hommage et d’admiration que nous rendions à la mémoire de nos aïeux de la terre d’Afrique ; c’était aussi nos remerciements que nous devions bien à l’aimable population troyenne pour son accueil enthousiaste à notre arrivée ; c’était encore nos adieux respectueux au colonel de Villaret que, malgré nos regrets de le voir partir, nous félicitons sincèrement de son avancement mérité ; c’était enfin notre bienvenue cordiale à notre nouveau chef de corps le commandant Driant.


La fête commence dès le samedi soir et c’est la fanfare qui a l’honneur du début, comme elle aura, le lendemain, l’honneur de la fin. Son chef, le sergent-major Moreau, est absent, bien à regret, terrassé par la maladie, mais son habile direction reste, et durant les longues heures où elle va être mise à contribution, elle ne faiblira pas. Ils ne faibliront pas non plus, les clairons du 1er bataillon, eux près de qui viennent prendre modèle les clairons des autres bataillons, eux qui, partout où ils passent, excitent l’admiration. Vous vous les rappelez, pèlerins de Mars-la-Tour, qui venez chaque année prier sur les tombes françaises, vous vous les rappelez aussi, Allemands de Saint-Ail, il y a cinq ans. Ils sonnaient bien haut, les vaincus d’hier ! Que vous devez être fier de les commander, caporal Vanmenne !

La retraite est formée devant le cercle des officiers : ce n’est plus la retraite ordinaire que suit pourtant tous les quinze jours une foule nombreuse et enthousiaste. Cette fois, la foule devient masse ; l’enthousiasme devient délire, mais cette fois aussi la retraite offre un superbe coup d’œil. Elle est dans un cadre merveilleux, organisée avec beaucoup de goût par le lieutenant Chosson ; devant et derrière, des chasseurs portent des transparents où se voient, sur les uns, les noms des batailles inscrites au drapeau, sur les autres des silhouettes de chasseurs de tous les âges, dues à la main d’artiste du lieutenant Lehagre, tandis que de deux côtés se dresse une haie de lanternes vénitiennes, grosses pommes jaunes, rouges, vertes, accrochées à des branches de sapin, et produisant un effet des plus pittoresques.

N’essayons pas de suivre la retraite dans son parcours ; elle a, ce soir-là, une allure endiablée, et bien téméraire est celui qui peut se vanter de l’avoir suivie jusqu’au bout. Elle sillonne les rues principales, fendant la mer humaine qui reflue partout où elle peut la voir, et qui, au passage, lui prodigue bravos et acclamations. A 10 heures elle rentre au quartier : l’extinction des feux sonne. Il faut se reposer pour le lendemain, car la journée sera complète et commencera de bonne heure.


A 5 heures et demi en effet, réveil en fanfare. Oh ! le beau réveil que celui-là : réveil des camps, réveil des grands jours, réveil tel qu’on doit le sonner au matin des batailles. Il a bien vite dissipé les torpeurs de la nuit, et à peine les dernières notes ont-elles retenti, que des chants se font entendre, échappé des fenêtres vite ouvertes, lancés gaiement par les petits chasseurs. Ils revêtent avec soin leur tenue du dimanche, et ils descendent à 7 heures dans la cour, où le bataillon est rassemblé pour entendre, de la bouche du chef de corps, le sobre et clair récit du combat de Sidi-Brahim, au souvenir duquel la journée sera consacrée. La voix du commandant s’élève claire, grave au milieu d’un religieux silence ; sur ces 900 hommes réunis en carré, l’âme des ancêtres plane, pénétrant tous les cœurs d’un sentiment indéfinissable, plein de respect, d’admiration, et tous se sentent plus amis, plus frères.

La lecture est finie, quelques secondes s’écoulent, puis la même voix se fait entendre de nouveau, plus émue, presque tremblante, disant adieu au 1er bataillon en quelques paroles de regrets affectueux. Alors tout ce que, depuis cinq ans, le commandant de Villaret a acquis de dévouements, d’attachements, semble se porter de tous côtés au chef qui va nous quitter. L’émotion est générale et quand le colonel vient serrer la main aux gradés réunis, plus d’un dut se raidir pour ne pas pleurer.


A onze heures, se célébrait à la cathédrale, le service funèbre, présidé par sa Grandeur l’Evêque de Troyes. La vaste basilique se prêtait bien à la grandeur de la cérémonie, et il suffisait de bien peu de chose pour donner au superbe édifice un aspect tout à fait grandiose. La décoration était donc simple : drapeaux inclinés le long de la galerie à jour, rappelant par leur position, mais non hélas ! par leur glorieux passé, ceux des Invalides ; trophées accrochés au sommet des ogives et au milieu des piliers, reliés par des guirlandes de mousse ; draperies mortuaires, avec, au milieu, les trois couleurs, tendues le long de la nef, et c’était tout. Comme monument, une pyramide de 10 mètres de haut, reproduction de la colonne Montagnac érigée à l’endroit même où le brave colonel périt avec les hussards de de Cognord et les trois compagnies de Froment-Coste ; à son pied, une pierre tombale couverte en partie par un drapeau, fac similé du drapeau des chasseurs, décoré de la Légion d’honneur : et tout autour des plantes à profusion. Il n’est que juste de nommer ici le sergent Cotte et le chasseur Nonain qui ont apporté à la préparation de la fête religieuse et à la décoration de la basilique, leur adresse et leur goût.

Bien avant l’heure, une foule immense avait envahi la cathédrale. Hier encore, elle ignorait le nom de Sidi-Brahim, nom barbare du tombeau d’un chef musulman ; mais elle a appris que là étaient tombés, victimes de leur dévouement, 400 de ces petits chasseurs qu’elle aime tant, et elle est venue, non pas tant pour prier pour eux, car elle sait bien qu’ils ont reçu récompense là-haut, mais surtout pour se réconforter, reprendre espérance, raviver son patriotisme, se sentir meilleure, au récit de leurs exploits.

La messe est magnifique : la fanfare joue la Marche de Jeanne d’Arc et la marche de la Croix de Lorraine qui produisent grand effet, un jeune vicaire nous fait entendre de sa voix chaude, étendue, un bel O Salutaris !; les chœurs de la Maîtrise et du Petit Séminaire chantent dans la perfection, sous l’habile direction de M. l’Abbé Ducaht, le Credo de Gounod et un Pie Jesu. Mais que sont tous ces chants ? Que sont toutes ces marches auprès du magistral discours prononcé par Sa Grandeur ?

Monseigneur vous étiez tout désigné pour faire l’éloge funèbre des héros de Sidi-Brahim, car fils de soldat, parent de nombreux officiers, ancien aumônier militaire, faisant pour ainsi dire partie de l’armée, vous compreniez plus que tout autre le beau, le sublime, l’héroïque du sacrifice de ces chasseurs de Montagnac ; vous l’avez fait ressortir avec éloquence, vous avez exalté ces martyrs du devoir et du dévouement en des paroles enflammées. Votre auditoire immense était suspendu à vos lèvres, et quand les accents de la Sidi-Brahim ont retenti, à la fin de votre discours, tout d’un bloc il s’est levé, remué jusqu’aux fibres, il sentait passer au-dessus de lui comme un souffle de victoire.


Et maintenant, à vous petits chasseurs de célébrer à votre manière les exploits de vos aïeux. Montrez tous vos talents, non pas vos talents guerriers tels que vous les ferez voir un jour, je l’espère, dans la plaine Lorraine ou par-delà le Rhin, non pas votre courage, votre intrépidité devant le danger, mais à votre entrain, votre gaité, votre adresse, votre agilité.

La fête au quartier est fixée à deux heures et demie, mais dès deux heures les abords sont noirs de monde, et la foule pénètre lentement par les deux allées de feuillage partant des deux grilles latérales et conduisant aux différentes tribunes.

Les places seront-elles assez nombreuses pour tous nos invités ? Hélas ! nous ne disposons ni des amphithéâtres de Rome, ni des arènes de Nîmes et l’espace est fort restreint. Certaines places seront à coup sûr meilleures que d’autres ; le soleil sera peut-être un peu gênant pour quelques-uns, d’aucuns devront monter sur chaises, bancs, appuis quelconques, et se donner le torticolis pour voir nos artistes à travers le fouillis de têtes qu’ils auront devant eux. Mais nous comptons sur la bonne volonté générale.

Enfin, tout le monde se case un peu partout, et cette cour de caserne, transformée en cirque ouvert, a vraiment bon air avec cette haie verte qui entoure la piste, ces poteaux à écussons et oriflammes tricolores, reliées par des guirlandes de mousse piquées de roses, ces tribunes remplies de toilettes claires, ces fenêtres où se voient les têtes curieuses des chasseurs qui n’ont pu trouver place en bas ; et par dessus tout un beau soleil déversant à profusion sa chaude et vivifiante lumière.

La fanfare annonce le commencement de la fête. Tous les yeux se braquent alors sur le rideau de feuillage qui cache les artistes. L’attention est générale : on ne veut perdre aucune parcelle du spectacle. Et vraiment on a raison ; car, on va tomber de surprise en surprise, en voyant se dérouler les différents numéros du programme, merveilleusement agencé, et dont l’auteur, M. le lieutenant Pruneaux, mérite les plus grands éloges.


Passons en revue les principaux artistes, tout en faisant partie du 1er bataillon.

A tout seigneur tout honneur. Voici d’abord les 48 moniteurs qui, sous la direction habile de l’adjudant Gény et du sergent Galopin, nous montrent à quel degré de souplesse, d’agilité, d’élégance, on peut arriver au bout de quelques mois de caserne. Ils figurent souvent au programme, mais on ne s’en lasse jamais ; ils exécutent à l’instant des mouvements d’assouplissement en fanfare ; tout à l’heure, gentils Ecossais, ils sauteront une gigue, curieuse, originale, qui produira grand effet ; plus tard ils danseront un quadrille avec tant de perfection et tant de sveltesse, que je surprendrai dans les yeux de quelques jeunes filles, en même temps que de l’admiration, un petit peu de jalousie. Un carrousel se fait à cheval ou à bicyclette : eux le font à pied, au pas gymnastique. Ils ont en main de petits fanions de couleurs différentes et ils partent aux accents de la fanfare, dessinant, au coup de sifflet du directeur, des figures multiples et gracieuses, se roulant et se déroulant en de longs serpents.

Seuls, ils pourraient, les moniteurs, constituer un programme complet : mais les ressources du bataillon sont nombreuses. Parmi nos 900 hommes, il y a bien des talents qui ne demandent qu’à se révéler. Gymnastes, acrobates, clowns, équilibristes, tout se trouve réuni. Pour vous en convaincre, ouvrez les yeux, et vous verrez : le chasseur Jondet, l’équilibriste fameux, mais surtout l’homme-serpent merveilleux dont les contorsions et les désarticulations font peur, le caporal Jamet, qui fait jaillir le rire par ses drôleries et ses réflexions bouffonnes, l’étonnant cycliste Viller qui, par un prodige d’équilibre et d’adresse, roule, sans guidon, sans selle, debout, en amazone, en arrière : les excellents gymnastes Coupez, Roussel, Faraco, Boudet, dont les exercices aux agrès sont exécutés avec une rare précision ; les trois sauteurs fantastiques Fernandez, Périgot, Tillet, qui l’un, tombe en faisant le grand écart, le deuxième, franchit en saut périlleux 12 hommes avec tremplin, le dernier, saute de pied ferme 10 de ses camarades ; enfin les deux inséparables comiques Mullier et Dupont qui, tour à tour, clowns, charlatans, musiciens, lutteurs, se font longuement acclamer. Est-il nécessaire de rappeler l’entrée sensationnelle de la voiture des lutteurs, d’où l’on sort à grand peine des poids de 20 et de 50 kilos, et une barre de 100 kilos, les deux athlètes jonglent avec les premiers, portent la dernière à bras tendus, mais leurs muscles se tendent, leurs veines se gonflent et semblent près d’éclater, ce n’est qu’aux cris de « assez ! assez ! » qu’ils s’arrêtent rouges, congestionnés. – Et, ô dérision ! le débile Gugusse emporte sous son bras, poids et barre qui ne sont qu’en bois peint, envoyant d’un coup de pied le boulet de 20 kilos qui n’est autre qu’un simple ballon.

La fête touche à sa fin, ce sont les moniteurs qui la terminent en exécutant l’escrime à la baïonnette avec feux d’ensemble. Ils se rallient par groupes de six, autour du drapeau, faisant face à une charge imaginaire : leurs balles, tirées par salves, déblaient le terrain comme devaient le faire les balles coupées en quatre des défenseurs du marabout, mais eux plus heureux remportent l’avantage, et ils donnent l’assaut de la tribune d’honneur, aux accents de la Sidi-Brahim, aux acclamations enthousiastes des spectateurs. – Et puis la foule s’écoule lentement comme à regret, elle jette un dernier coup d’œil sur la cour, ornée avec tant de goût, et qui, le lendemain, reprendra son aspect ordinaire.


La soupe sonne : vite, petits chasseurs, courez à vos réfectoires. On vous a gâtés ce soir : le vin va remplir vos verres qui ne connaissent d’ordinaire que l’eau pure, les friandises et les cigares sont sur vos tables qui ne sont pas habituées à tant de bien-être. Il faut bien que la journée soit complète : il faut bien que jusqu’à la dernière heure l’entrain ne cesse de régner. – Choquez vos verres, enfants, à la mémoire de vos aïeux de Sidi-Brahim, à la grandeur de la France, à la revanche prochaine. – Et puis regagnez vos couchettes pour y rêver de farces et de clowneries, de gloires et de victoires. Aujourd’hui vous vous êtes montrés plaisants et joyeux ; cette gaité toute gauloise vous l’aurez encore demain, n’est-ce pas, à l’heure du danger, car le vrai caractère du héros français, c’est de trouver le mot pour rire, alors que les balles sifflent, c’est de mourir le sourire aux lèvres."

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